Te souviens-tu de moi ? J'espère bien que oui... [Joshua & Jeoren]

Une longue journée presque interminable prenait fin. Alors que Jeoren traversait les salles et les couloirs qui le séparait des vestiaires, un silence solitaire était maitre. Tous les employés pressés de partir de cet endroit, avide de désinvolture et de paresse, semblaient avoir laissés leurs bureaux dans un chaos empressé. Ne prenant même pas la peine de jeter ne serait-ce que leurs verres vides, ils considéraient tous le travail comme une corvée dénuée de sens. Tels des enfants disciplinés ils suivaient les ordres, rechignant entre leurs dents, maudissant une existence morne malgré un bon salaire. Gâtés et bourrés aux images de contes de fée, ils s’évadaient vers des plaisirs superficiels et ridicules face à l’empire de toute une vie. C’est ce que le jeune homme détestait le plus au monde. Le manque de responsabilité, et d’un minimum de zèle. Pour lui, ils n’étaient rien d’autre qu’une bande d’adolescents qui se permettaient de critiquer sans connaître l’envers des mots. Ils se laissaient aller dès qu’un adulte tournait le dos ou leur donnait la permission de minuit.

Malgré son fort sentiment de rancœur, une expression impassible et de glace se dessinait sur son visage fermé. Ses yeux sans expressions glissaient sur les objets sans que rien ne transparaissent. C’est dans le pas cadencé de ses pieds, qu’il avançait plus redoutable que jamais.

Atteignant finalement la porte des vestiaires, la porte céda sous la pression de sa main dans un léger grincement d’une porte trop utilisée. L’endroit était baigné par une lumière jaunâtre, preuve de son artifice, répondant au bois des meubles. Un silence oppressant semblait intimider les quelques personnes présentes dans la pièce. Quelques silhouettes se profilaient de dos au fond, tandis qu’une autre s’agitait non loin de là dont on entendait le bruit d’un sac que l’on froisse et de feuilles que l’on range sans ménagement. Mais cela ne repoussa en rien Jeoren qui aimait ce genre d’ambiance. D’un pas déterminé et sonore, il parcourut les quelques mètres qui le séparait de son casier. Tournant au coin, il se retrouva nez à nez avec la personne qui s’agitait bruyamment.

Dans un premier temps, l’homme qui se tenait face à lui semblait être un parfait inconnu, aux traits aussi semblable qu’aux autres. Jeoren s’apprêtait à lever son regard vers son casier quand il rencontra les yeux de cette personne. La vision de ces prunelles raviva un souvenir enfoui parmi tant d’autres informations. Le visage se dessina en de courbes familières, et le flash d’une expression de terreur apparût dans son esprit. Cet être auparavant si fragile et timide se tenait de nouveau devant lui, toujours aussi enfantin. Mais son nom ne lui revenait pas.

« Quelle bonne surprise ! Te voilà bien loin pour quelqu’un comme toi. »

Sa voix grave et dure venait de briser un silence étouffant qui allait presque asphyxier son ancienne victime. Dans cette pièce de calme et de d’ennui, ses mots tranchaient à la lame l’air, la rendant étrangement plus petite. Les autres personnes présentes dans la salle, au son de cette voix si reconnue, se dépêchèrent de sortir ne souhaitant pas assister à cette scène peut-être macabre. Dans un éternel face à face, le bourrin et sa victime se retrouvait de nouveau. Pour le meilleur et pour le pire.