WANTED: the mouse ♫ Josh

Voilà plus d'une heure que Zachary bataillait avec la police d'une création. Il n'avait jamais regretté d'exercer le métier de graphiste, mais il y avait des fois où l'insouciance des forums RPG lui manquait. Les gens couraient après ses avatars et il avait la sensation d'avoir trouvé un moyen de fuir l'indifférence de ses parents. Il avait essayé une fois de jouer le cancre à l'école mais ça ne lui avait pas trop réussi; non seulement ses parents feignaient toujours de l'ignorer, mais en plus il s'était fait engueuler par ses profs et avait perdu les quelques amis qu'il s'était faits en les laissant copier sur lui. C'est dur la vie. Après, il avait pris la résolution de ne plus avoir d'amis réels, c'était mieux de n'avoir rien à perdre. De toute façon, l'amitié des autres ne l'intéressait pas. Il préférait rester seul devant son ordi ou avec un bon bouquin plutôt que de devoir supporter la présence de quelqu'un. Oh, des gens se moquaient de lui, mais il était trop dans les nuages pour s'en apercevoir. Evidemment, il eut droit à son petit quota de méchanceté de la part de certains profiteurs, comme les croche-pieds, les affaires volées, etc...Mais Zach s'en fichait. Son petit monde virtuel occupait toutes ses pensées.
Devant l'échec total de la mission "attirer l'attention", le jeune homme en avait conclu qu'être un mauvais élève ne rapportait que des ennuis et aucunes attentions. Sa moyenne remonta rapidement et avec sa côte de popularité. Par contre, il fut confronté à un autre problème: les filles. Zach était assez joli garçon et fut bientôt entouré d'une cour d'admiratrices. Apparemment, son côté étourdi était "craquant". Il accepta un premier rendez-vous avec l'une d'entre-elles mais il l'oublia malencontreusement et son côté rêveur ne fut plus tout aussi apprécié.
Zach lâcha un profond soupir et fronça un peu plus les sourcils. Foutue police. Il leva les yeux au ciel et fixa le plafond pendant dix bonnes minutes, comme si la réponse allait être taguée en grand dessus. Un sourire illumina soudain son image. Il pensait avoir trouvé. Il se pencha à nouveau sur son clavier et se concentra sur l'écran. Il magouilla un peu, tapa frénétiquement des dizaines de codes complexes quand enfin, quelques instants plus tard, il parvint à ses fins. Il leva son poing en signe de triomphe et poussa un petit cri de jubilation, pas trop fort afin de ne pas trop perturber ses voisins. Un sourire aux lèvres, il s'étira majestueusement puis détourna la tête de son ordinateur. Il avait bien envie d'aller se servir un café en compagnie de sa souris. Quand son regard n’entra pas immédiatement en contact avec la masse de poils gris, il ne s’inquiéta pas tout de suite. Sa bestiole aimait à se trimballer partout autour de lui, mais n’était jamais bien loin. Elle ne le quittait pour ainsi dire jamais. La peur de l’inconnu sans doute, il ne s’était jamais posé la question. Mais après avoir vérifié sur son bureau, en dessous, dans la corbeille, dans le moindre recoin et après s’être assuré qu’elle ne s’était pas réfugier chez un collègue voisin, ce satané rongeur demeurait introuvable. Toujours sans angoisse, il se dit qu’elle était allée faire un tour dans les environs et partit à sa recherche. Il parcourut ainsi la salle d’informatique, le couloir principal, le centre d’archive et même l’accueil ou il passa encore plus pour un malade quand il demanda si personne n’avait vu sa souris. Il finit sa course dans la salle de projection qui était vide à cette heure-ci. Il avança entre les premières rangées de sièges et entreprit des fouilles, en vain. Il se releva, leva les yeux au ciel et se retrouva nez à nez avec son ami le plafond. Il réfléchit longuement et recommença à marcher.
« Voyons, elle ne s’est pas volatilisée quand même. Je devrai peut-être aller chercher dans la salle de réunion. ‘Faudrait aussi peut-être que je lui donne un nom, et après je lui apprendrais à répondre…Oh oui ! Quelle bonne idée, ça m’occupera pendant quelques soirées. D’autant plus que j’ai fini mon livre. Tiens, je devrai peut-être aller à la bibliothèque m’en louer d’autre. Ah, et aussi jeter un coup d’œil dans cette petite librairie d’occasion au coin de la rue… »
Il n’eut pas le temps de faire plus de réflexion : ses jambes heurtèrent quelque chose –ou plutôt quelqu’un- et il se cassa la figure, tête la première.

-…Aïe ><.

Ca lui apprendra à se déplacer le nez en l’air.

Zach se releva douloureusement et posa sur Joshua son regard fixe et endormi. Fidèle à lui-même, il prit son temps pour le dévisager. La plupart des gens qui subissaient cet examen protestait ou se sentait mal à l'aise devant ce regard qu'ils pensaient lourd de signification. Pourtant Zach ne pensait pas à mal. Il contemplait, c'est tout. C'était comme ça qu'il se familiarisait avec son environnement.
Il n'en reconnaissait pas moins ses collègues. Aussi, il lui arrivait d'avoir dévisagé quelqu'un pendant dix bonnes minutes et de ne pouvoir la mentionner
l'instant d'après. Il avait beaucoup de mal à associer les noms aux visages.
Quand il était gosse, c'était le même clavaire avec les professeurs. Ca mêlé à son sens naturel de l'orientation, il faisait des flammes. Tout le monde connaissait le gamin, puis l'adolescent qui se perdait dans les couloirs et était incapable de dire avec qui il avait cours. On le laissait donc se balader tout seul dans l'école et ouvrir toutes les portes en s'excusant platement quand il tombait sur la mauvaise personne. Cela se finissait généralement par un professeur qui connaissait son horaire et lui donnait au milieu d'un soupir exaspéré le numéro de sa salle de classe. Il élisait ensuite un élève qui l'accompagnait pour éviter qu'il ne se perde à nouveau. Autant certains le prirent en grippe, rièrent de lui ou le considérèrent comme un arriéré mental, autant d'autres, moins bêtes que les précédents, s'attendrirent et l'aidèrent avec plaisir. Quand il poussait la porte d'un local, les "Tiens voilà Zachray!" fusaient de toutes parts et des sourires se desssinaient sur toutes les lèvres, même celles des mauvais qui l'aimaient malgré eux. Toute l'école avait fini par connaître son horaire.
Enfin, la notion que Joshua Sigel se tenait devant lui prit forme dans son esprit.

-...Joshua T.T

Il n'y avait aucune intonation dans sa voix. Pas d'étonnement, pas de colère, pas de douceur, rien. Un ton neutre. Non pas qu'il éprouvât une quelconque aversion envers le glandu du NITS, il se devait juste d'avertir son entourage du surgissement de Joshua dans son univers intérieur. Rien à voir avec le mépris.
Tout d'un coup, la raison pour laquelle il se trouvait là lui revint en mémoire.

-Ah! Tu n'aurais pas vu ma souris?

D'emblée, il l'avait tutoyé. Joshua était aussi connu dans la boîte que lui à l'époque où il était encore à l'école. Non seulement il était le frère de Noa Sigel, mais il dégageait quelque chose qui forçait la sympathie. Les gens souriait en citant son nom, ou blâmait sa fénéantise. Il était beau, drôle, attachant...C'était le portrait craché de Barthélémy dans "Oh, boy!". Sauf qu'il n'était pas homo. Zach, avec son tact habituel, voulut s'en assurer et demanda sur le même ton que s'il lui avait demandé s'il aimait le jaune:

-T'es pédé? (xD)

Outre son regard fixe, ses questions à la rien à voir perturbaient également ses collègues. Mais encore une fois, il n'y avait aucun mal derrière son ton détaché. Son teint gardait sa couleur normale et ses yeux leur fixité connue de tous, comme si la question avait cessé de l'intéresser dès l'instant où elle avait franchi ses lèvres. L'intérêt, s'il y avait, demeurait invisible.